SAINT-BRIEUC À TRAVERS LE TEMPS


BRIEG
Quand Patrick d'Irlande interrogea Brieg sur ses motivations profondes, la première énoncée fut : « Celle de rendre les gens heureux. » Face à un prélat sceptique, il lui proposa d'en apporter la preuve sous moins d'une heure. En cas d'échec, il acceptait les funestes conséquences. J'en frémissais. Le fou !
Cartes en main, sûr de lui, Patrick d'Irlande savourait l'instant, s'amusant de la naïveté de son vis-à-vis, pensant à sa prochaine exécution par la main de Rigwal, qui assis derrière lui faisait profil bas. Fracan, lui se tenait prudemment en retrait. Les deux outres à vin payaient le prix de leur allégeance, abandonnant leur ami au bûcher.
Quand je vis le chaudron fumant rempli de lait, je compris. Brieg avait chargé la potion. Vingt grammes par litre, dix fois la dose que j'avais ingurgitée. Cent litres. Vingt kilos d'herbacée ! J'imaginais par avance le tableau, connaissant les effets ravageurs de sa mixture à forte dose, redoutant la réaction de Patrick d'Irlande qui allait s'engouffrer dans l'acte de sorcellerie.
Le temps que le dernier villageois prenne son écuelle de lait, un premier rire monta, puis un autre et encore un autre. Une dizaine de minutes plus tard, la place du village ne fut que rires, larmes de joie, accolades, allégresses. La rigolade finale. Le Stonehenge d'une désopilante hilarité généralisée. Certains ne purent se retenir et urinèrent dans leurs braies.
Patrick d'Irlande ordonna aux Chrétiens d'y goûter avant d'en ingurgiter à son tour. Il but la mixture pour constater cet étrange prodige à produire du rire, avec le même effet trente minutes plus tard. Il se tordait en imaginant Jésus marchant sur l'eau ou trinquant avec Dieu. On ne l'arrêtait plus, comme on ne l'arrêta pas quand l'appel du tonneau sonna pour Brieg, Rigwal et Fracan. Patrick d'Irlande était tout aussi redoutable à vider sa coupe qu'il ne l'était à vendre son dieu. Duo, trio, quatuor, une bande de poivrots ! Boire à la même cruche créait des affinités, comme la nostalgie du pays et des traditions. Le son de la cornemuse monta tard cette nuit-là.
Le lendemain, loin des foudres que les Chrétiens espéraient la veille de la part du dignitaire de Rome, Patrick d'Irlande s'en fut comme il était venu avec des plants, la recette de la potion à produire du rire, trente tonneaux de vin, bénissant ostentatoirement Brieg avant de lui porter l'accolade, l'assurant qu'il était un Saint. Il ordonna que ce village portât désormais son nom. Brieg lui, préférait la Cité Gentille.
Un moment inoubliable, béni par Patrick d'Irlande en personne. Aucun Chrétien n'avait jamais tant ri. Sant Brieg ! Respect ! Par la suite, grâce à la potion servie par Brieg lors des solstices, nous eûmes de longs moments de rires et de paix retrouvée dans le village. Les Chrétiens se calmèrent, tout comme Rigwal et Fracan sur la picole.
Quand je questionnais Brieg sur le nom de cette plante magique venue d'Orient qui nous avait sauvé la vie, il me répondit qu'en latin on l'appelait Cannabaceae sativa, mais que lui, il la nommait : « Plante de la joie et du bien-être. » Si les voies de leur dieu sont impénétrables celle de la nature sont considérables.
EXTRAITS
ST-BROC
Paris s'éveille, Saint-Broc roupille encore. On ne peut pas dire que la ville brille par son dynamisme. Gronier, le nouveau maire, dit qu'il va la réveiller. Bon courage. D'autant que l'homme est vif comme un escargot en transe. Le changement sans mouvement ! La formule est belle, mais on ne comprend pas trop ce qu'il veut dire. Lui non plus d'ailleurs. On peut miser une pièce là-dessus. Quant à légaliser le joint, oui… mais pas dans SA ville. On applaudit le faux-cul. Une belle tête de vainqueur, un beau spécimen de socialo de salon à la rhétorique à deux balles. Il sent la poudre de perlimpinpin à plein nez, ce coco-là. Un froid du cul, un manche à couilles, un opportuniste puant, suffisant, dédaigneux, à la vérité innée. Il surfe sur l'élection de Mitterrand. Comme dit Bird à propos de Gronier : « À force de vouloir péter plus haut que son cul, son cul a pris la place du cerveau ! » Poète à ses heures, le père Bird.
Gronier s'est reproduit : Grovost, un taureau frisé pesant son quintal, un autre enseignant qui écoute la voix de son maître. Lui, il veut souffler un nouvel élan à la ville. On applaudit le sens de la nuance. Une belle brochette de représentants du peuple. Un couple composite, comme la R5 et l'Abribus. Des moments, on doute du recrutement à l'Éducation Nationale ! Autant l'autre fait jésuite, réservé, presque fourbe, autant celui-là avec sa gueule pas possible, son ego de démago du boxeur à la pesée, se révèle être bonimenteur jusqu'au bout des ongles. Il est partout et se prête facilement à la représentation. Une photo pour les journaux, avec sa carrure, c'est le hussard du premier rang. Être à côté des chefs pour un jour être Chef, c'est Son trip. Il cause, il cause, mais on ne voit pas très bien ce qu'il fait. Un avis sur tout, mais surtout pas d'avis. Des idées, tout le temps, qui s'envolent avec le vent.
Le duo magique veut réveiller la ville, mais en attendant, rien ne vient troubler le silence. Le Briochin dort comme un loir. Le Briochin, il est comme ça : il s'en fout. La France vient de gagner le championnat d'Europe des footeux. Y'a plus qu'à devenir Champion du monde, sauf que là, il se trouve toujours un pied brésilien ou allemand pour gâcher la fête. Et s'ils jouaient sur une jambe ? gamberge Marin.